Page:Malato - La Grande Grève.djvu/467

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

accourus aux premières rumeurs de la bagarre. Aucune force publique ne se trouvait à proximité immédiate, la troupe étant employée tout entière à garder l’entrée des puits, les chantiers extérieurs et les bâtiments de la direction.

— Allons ! les ouvriers honnêtes ! tonna-t-il, serrez les rangs et suivez-moi.

Et la cinquantaine d’asservis qualifiés d’« honnêtes », grossie de ses contremaîtres, et précédée de la trinité Moschin-Troubon-Villemar, prit la direction des puits.

Les autres ne les poursuivirent pas. Ouvard avait compris qu’il fallait attacher tout de suite le reste des Brisotins à la cause des grévistes en leur enlevant le souci angoissant des nécessités immédiates.

— Camarades ! cria-t-il. Venez avec moi au siège du syndicat. Vous êtes nos hôtes. Nous partagerons avec vous le peu que nous avons.

À ce moment, arrivaient une trentaine de grévistes, Détras, Bichelain, Dubert et Laferme en tête. Les Brisotins, ainsi encadrés, suivirent les mineurs de Mersey.

En annonçant à près de cent cinquante hommes que les grévistes, manquant pour eux-mêmes du nécessaire, allaient partager avec eux, Ouvard s’était terriblement avancé. Pourtant cette promesse, il avait cru indispensable de la faire, sentant que, sous l’aiguillon irrésistible du besoin matériel, cette masse ouvrière pouvait se retourner tout d’un coup. Elle avait subi l’emballement d’un grand élan avec d’autant plus de force que, pendant longtemps, la discipline et le silence avaient pesé sur elle ; c’était l’expansion soudaine se faisant en raison même de la compression. Oui, mais combien de temps cet enthousiasme pourrait-il durer ? Si les Brisotins ne mangeaient pas, ils finiraient, matés, par demander grâce et aller travailler à la mine.