Mais non ! Schickler ne désirait pas son humiliation : il l’avait vu sincère lorsque lui des Gourdes était allé au Brisot demander du secours contre ce prolétariat en révolte qu’il affectait cependant de mépriser.
Seulement le roi du Brisot était plus pessimiste que celui de Mersey.
Cette invitation « gardez mes hommes » indiquait qu’il craignait le retour dans son fief des mineurs qui eussent pu apporter à leurs camarades des nouvelles exactes de la grève et, aussi, malgré eux, un peu d’air révolutionnaire.
— Cela se gâte, décidément ! avait murmuré Mme des Gourdes, les sourcils froncés. Demandez-lui donc tout de suite une explication par le téléphone.
Et le baron, suivant ce conseil, s’était rendu à l’appareil. À travers le nasillement ironique que l’invention d’Edison communique le plus souvent à la voix humaine, des Gourdes avait discerné dans celle de Schickler l’altération causée par une émotion profonde.
— Comment, vous me conseillez d’entrer en pourparlers avec les grévistes ! Mais vous n’y pensez pas ? avait-il clamé.
— Oui, il le faut, avait répondu Schickler. Je connais les ouvriers. Ce qui est arrivé aux hommes que je vous ai envoyés et sur lesquels je comptais, est un coup de foudre qui va avoir les plus graves conséquences. Maintenant la révolte va se généraliser : déjà elle gronde ici même.
Des Gourdes, furieux, se tenait à quatre pour ne pas crier à Schickler : « La peur vous rend fou ! » Il sentait, cependant, qu’il y avait un fond de logique dans les paroles angoissées du grand usinier et il demeura frappé lorsque son interlocuteur eut ajouté d’un ton plus calme :
— Après tout, je ne vous dis pas de faire des avances à vos ouvriers ; mais ne rejetez pas en bloc