Page:Malato - La Grande Grève.djvu/471

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

leurs demandes ; formulez des contre-propositions, alors vous pourrez diviser les grévistes. Vous rattacherez les plus modérés à votre syndicat jaune et ensuite vous vous débarrasserez des rouges.

C’était tout de même vrai : Schickler avait l’étoffe d’un diplomate. Puisque la chance favorisait en ce moment les ouvriers et que la force publique refusait d’intervenir, il n’y avait qu’à recourir à la ruse. Unis contre la Compagnie tant que celle-ci opposait un refus absolu à toutes leurs réclamations, les grévistes pourraient se désunir dès que des contre-propositions leur seraient faites. Les moins résolus, ceux chargés de famille plus nombreuse, ceux que talonneraient davantage leurs femmes, fléchiraient les premiers. Peut-être regrettaient-ils déjà de s’être engagés dans la grève et ne continuaient-ils à y participer que par peur de leurs camarades. Dès que les moindres concessions seraient faites, sans doute s’empresseraient-ils de lâcher le mouvement, ayant un prétexte honorable pour le faire. Alors, ce serait bien simple : à peine le conflit terminé, la Compagnie constituerait solidement son syndicat jaune pour s’appuyer sur lui, puis oublierait ses engagements et éliminerait tous les meneurs de la grève, sans que leurs camarades, privés de guides et épuisés du grand effort qu’ils avaient fait, eussent la possibilité de le renouveler.

Oui, c’était cela. Mais restait un point : des Gourdes avait rejeté la mise en demeure de ses ouvriers, refusé de recevoir les délégués ; pouvait-il maintenant, sans déconsidérer le prestige patronal, aller à eux, ouvrir lui-même des négociations ?

— Oh ! là ne serait pas la difficulté, dit sa femme. On trouve toujours des tiers pour intervenir…

C’est vrai ! On trouve toujours des tiers : comment n’y avait-il point pensé. Justement, le préfet, ce préfet exécré…