Page:Malato - La Grande Grève.djvu/479

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Le chef policier eut un rire discret.

— Soyez sûr, monsieur le baron, répondit-il, que je suis trop attaché à votre cause dans cette lutte et trop désireux de me trouver en face de ces gredins de mineurs pour prendre une retraite définitive. Cela pourra durer quelques semaines ou quelques mois ; mais, dès que le moment sera arrivé, je reviendrai.

Il ajouta :

— C’est le seul moyen d’aboutir.

Ce moyen, des Gourdes le voyait bien : il lui épargnait une capitulation et dénouait la situation.

— Je vous remercie de votre dévouement, dit-il à Moschin en lui tendant la main. La Compagnie saura s’en souvenir. En attendant, il ne faut pas que vous demeuriez sans situation.

— Oh ! soyez sans crainte ! J’en aurai une digne de mes aptitudes. Schickler m’a déjà proposé, au cas où je quitterais Mersey, de venir lui organiser sa police. Cela pourra demander deux mois, juste le temps qu’il vous faudra pour endormir les mineurs et constituer le syndicat jaune. Alors je reviendrai et si les rouges s’agitent, c’est nous qui organiserons la prochaine grève.

Ce diable d’homme avait réponse à tout. Des Gourdes, qui le connaissait pourtant, ne put s’empêcher de le regarder avec admiration.

Une heure plus tard Moschin était parti « pour une destination inconnue », disait-on, et son départ, colporté dans la ville, y provoquait des commentaires passionnés.

— Signe que la Compagnie va céder ! déclara Bernard à ses amis.

En effet, le lendemain, les délégués des grévistes et le baron des Gourdes, réunis à la direction, en présence du préfet médiateur, signaient l’arrangement suivant, donnant partiellement satisfaction aux ouvriers, sous une forme qui ménageait l’amour-propre patronal :