Page:Malato - La Grande Grève.djvu/486

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de majorité contre Poulain, son unique concurrent sérieux, car la démission de Bobignon prenait par surprise le parti réactionnaire.

Ce fut Pichon qui remplaça Ouvard comme secrétaire du syndicat.

— Ce qui arrive est épouvantable, dit la baronne des Gourdes à son mari, mais profitons au moins de ce que cet Ouvard n’y sera plus pour briser le syndicat rouge.

Trois jours après, le syndicat jaune était constitué. « Syndicat indépendant » se proclamait-il ; mais personne à Mersey ne se méprit sur la nature de cette indépendance. Canul, qui savait tout juste écrire, en fut naturellement élu secrétaire par deux cent soixante adhérents. Le syndicat rouge comptait maintenant plus de deux mille membres !

Quelques jours après, Galfe et Céleste reçurent une proposition de Détras, celle d’entrer avec lui en association afin de donner plus d’extension à la Ferme nouvelle. Justement, leur blanchisserie avait fort périclité pendant la grève, ceux des mineurs qui faisaient partie de leur clientèle évitant tous frais superflus. Hommes et femmes, qui, travaillant toute la semaine au fond des puits ou dans les chantiers de cribleuses, aimaient bien arborer le dimanche un peu de linge blanc, avaient, pendant ces longues journées d’inaction, plus de temps qu’il n’en fallait pour laver et repasser eux-mêmes tout le linge du ménage. Et, lorsque le travail fut repris, comme il fallait boucher des trous, payer des dettes contractées chez les fournisseurs, les anciens clients continuèrent pour un temps à réaliser des économies.

Détras, au contraire, quoiqu’il eût largement aidé de sa bourse les grévistes, prospérait à vue d’œil. Il possédait maintenant six vaches qui lui donnaient chacune en moyenne dix litres de lait par jour ; une centaine de poules, oies et canards gloussaient dans sa basse-cour et une douzaine de chèvres broutaient