Page:Malato - La Grande Grève.djvu/499

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Brigitte, tout en servant le docteur, l’observait, pensive. Oui, il avait beau s’armer d’un sourire, se cuirasser d’indifférence, les soucis commençaient à l’envahir, à plisser par moments son front, à voiler le feu de ses yeux. Que deviendrait-il dans quelques mois, alors que la politique l’aurait pris dans son terrible engrenage ? Ignorante de la vie parlementaire, mais rendue intuitive par son affection profonde pour ce maître qui n’était maître que de nom et qu’elle morigénait à l’occasion, la vieille paysanne le voyait pâli, amaigri, épuisé dans quelque travail accablant et inutile, au milieu des solliciteurs, des jaloux, des ennemis masqués, des traîtres. Dans quel état reviendrait-il à Climy ?

— Ne vous effrayez donc pas, ma bonne Brigitte, dit Paryn lisant aussi clairement que dans un livre sur le visage de sa domestique. Être député, c’est un accident que beaucoup cherchent et dont on ne meurt pas toujours.

Il achevait ces mots dans un franc rire, lorsque la sonnette tinta. Brigitte courut ouvrir et revint l’instant d’après, annonçant le nouvel élu de Mersey.

Paryn se leva, allant au devant de celui qui était devenu doublement son collègue, comme maire et comme député.

Que d’événements s’étaient succédé depuis le jour où le docteur avait connu Ouvard simple mineur sans la moindre idée d’avenir personnel !

Le député-maire de Climy allait adresser ses félicitations au député-maire de Mersey, lorsqu’il remarqua l’expression soucieuse de son visage. Cette expression, Brigitte l’avait déjà remarquée et la brave femme se murmurait in petto : « Encore un que le métier ne rend pas gai ! Mais alors pourquoi ont-ils la rage de vouloir en être ? »

— Vous paraissez triste, mon cher collègue, dit affectueusement Paryn, en avançant une chaise à