Page:Malato - La Grande Grève.djvu/500

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son visiteur, tandis que, sur un signe, Brigitte lui servait une tasse de café.

— La grève va recommencer à Mersey, fit Ouvard. Et cette fois, c’est la Compagnie qui attaque.

— Ah ! diable ! Voilà qui devient sérieux. Pourtant, il fallait s’y attendre.

— J’ai voulu vous voir d’urgence. Avec un préfet comme Jolliveau, on ne peut savoir comment tourneront les choses.

Ces paroles de l’ancien mineur ramenèrent les pensées de Paryn vers l’homme à poigne, choisi sous la pression des hauts réactionnaires pour courber le département de Seine-et-Loir sous un régime de terreur.

Nul n’avait été plus furieux que Jolliveau du résultat des élections générales. Quoi ! c’était à la défaite des candidats conservateurs qu’avait abouti la pression exercée par lui sur les maires ? Mais alors, c’était à désespérer de tout et même du suffrage universel si les préfets ne pouvaient plus le faire parler ! Et que diraient ses protecteurs, l’évêque, le baron des Gourdes ? Jolliveau n’osait y penser, et se sentant pris entre les rancunes de ceux qu’il n’avait pu servir efficacement et l’hostilité des nouveaux élus, il s’était demandé un instant s’il n’agirait pas prudemment en lâchant les premiers pour se tourner peu à peu du côté des seconds.

Mais non ! pareille trahison à laquelle sa moralité n’eût pas répugné était maintenant impossible. Force lui était de demeurer, sous l’impartialité apparente de ses fonctions préfectorales, attaché au parti des vaincus.

Or, au même moment où Paryn recevait la visite d’Ouvard, Jolliveau recevait celle de des Gourdes.

C’était la première fois que ces deux derniers se rencontraient depuis que le baron était allé complimenter le nouveau préfet.