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— Qui sait ? murmurait des Gourdes regardant sa femme avec un faible sourire et se reprenant à espérer.

— Peut-être ! répondait la baronne.

Les journaux socialistes ouvraient des souscriptions ; on annonçait la prochaine arrivée d’orateurs de Paris. De leur côté, les patrons du département constituaient une ligue : c’était l’ébauche de ce groupement de capitalistes dont Schickler avait parlé à des Gourdes comme un embryon possible des futurs trusts européens.

Des jours se passèrent, puis deux, trois semaines ; de part et d’autre, l’acharnement demeurait farouche : on sentait que, maintenant, c’était une guerre à mort et nul n’eût pu en prédire l’issue.

Ce soir-là, Galfe et Céleste avaient clos leur boutique un peu plus tôt que d’habitude. Pourquoi ? Ils n’eussent pu le dire. Il y a de ces moments où l’on n’agit que par impulsion et comme obéissant à la destinée.

À sept heures, ils avaient fermé les volets, puis s’étaient attablés pour dîner dans l’arrière-boutique. Le gaz allumé projetait dans la pièce une lueur blafarde.

Tout en mangeant avec peu d’appétit le repas que Galfe avait préparé, une soupe à l’oseille et des œufs au jambon, Céleste racontait ce qu’elle avait vu et appris au dehors. On s’attendait sans doute à des événements graves, car les troupes occupant la ville avaient été renforcées. Sur la place de l’Hôtel-de-Ville, la gendarmerie à cheval — au moins deux escadrons — était rangée en bataille ; le long du canal, la ligne avait formé des faisceaux ; le boulevard de la République était sillonné par des détachements de chasseurs passant et repassant au petit trot. Partout résonnaient des commandements, des cliquetis de fusils et de sabres et partout aussi, flanquant les troupes régulières d’infanterie et de cavalerie, c’é-