Page:Malato - La Grande Grève.djvu/68

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travaillé aux mines de Brisot et de Pranzy, puis était mort dans un éboulement.

Dès ce moment avait commencé une indescriptible odyssée de misère. Céleste, alors âgée de huit ans, avait accompagné sa mère dans d’interminables exodes, le long des routes, cherchant à vivre de travaux dans les fermes ; parfois suivant des caravanes foraines, souvent arrêtées par la gendarmerie pour n’avoir pas de domicile, puis relâchées tant leur misère faisait pitié. Elle avait onze ans et demi, lorsque, épuisée, sa mère rendit l’âme sur la paille d’un vieux hangar où des paysans avaient bien voulu par charité la laisser s’abattre et mourir. Céleste fut recueillie par les religieuses du couvent de la Merci à Tondou, qui, chrétiennement, firent d’elles leur esclave en Jésus-Christ. Elle fut employée au jardin, à la cuisine, à la lingerie, nourrie d’une soupe aux légumes gâtés et d’eau claire, la semaine, de restes de ragoûts et de piquette, le dimanche ; pourtant comme il fallait lui faire faire sa première communion, on lui apprit entre temps à lire pour qu’elle pût s’assimiler le catéchisme, les miracles de l’Histoire sainte et les vérités éternelles de l’Évangile. Trois jours après avoir avalé sous la forme d’un pain à cacheter le sacré corps de Notre-Seigneur Jésus-Christ, elle eut une indigestion définitive de toute cette bondieuserie doucereusement féroce et se sauva. Mais où aller ? Au bout de deux nuits passées à la belle étoile, et de deux jours, passés dans les champs où elle déterra des carottes pour les manger crues, elle fut reprise et ramenée au couvent. On la punit, mais en lui imposant double travail, au lieu de l’inutiliser au cachot, où elle ne resta que quarante-huit heures pour la règle. Six mois plus tard, nouvelle tentative d’évasion : décidément Satan habitait en cette petite, lui soufflant son esprit de révolte et une noire ingratitude envers les bonnes dames qui l’avaient si généreusement recueillie : le mieux était