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Page:Malato - La Grande Grève.djvu/73

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ciel d’un rose pâle d’où se détachait à l’horizon la ligne sombre des coteaux et des bois. Des chants de coqs montaient, clairs et perçants, dans le silence matinal et tout d’un coup éclata, vibrante, une sonnerie de clairons.

Geneviève tressaillit, envahie de stupeur, inquiète. Que voulait dire cela ? Il n’y avait pas de soldats à Mersey, où la force publique consistait en une demi-douzaine d’agents de police et une brigade de gendarmerie. Peut-être des gamins, réveillés avant le jour, s’amusaient-ils à troubler ainsi le sommeil des paisibles habitants.

Mais non : c’était bien une sonnerie militaire : la diane, dont les notes s’envolaient avec une justesse inconnue des trompettes amateurs. Et, arrivée devant la baraque de la mère Bichu, endroit où la côte, s’élevant au-dessus du faubourg de Vertbois, dominait le fond de Mersey, elle aperçut distinctement le fourmillement d’une masse d’hommes, des pantalons rouges.

— Mon Dieu ! qu’est-il arrivé ? murmura-t-elle.

L’être hypothétique auquel, par ancienne habitude de langage, elle s’adressait ainsi, ne lui répondit pas ou, s’il lui répondit, ce fut par l’intermédiaire gracieux de la mère Bichu.

— Eh bien, mame Détras, cria la vieille chiffonnière apparaissant au seuil de sa porte, paraît qu’il y a eu du grabuge cette nuit ; la bande noire a voulu faire de ses coups. Par bonheur que maintenant nous avons l’armée pour nous protéger.

La pieuse mégère disait cela d’un accent triomphal. Elle ne pardonnait pas aux Détras leur irréligion.

Geneviève se sentit défaillir. Ainsi ses pressentiments ne l’avaient pas trompée : il y avait eu cette nuit-là des troubles à Mersey ; son mari s’y était trouvé mêlé, et maintenant il devait être prisonnier, blessé, mort peut-être ! Ce fut en tremblant qu’elle demanda à la chiffonnière :