Page:Malato - La Grande Grève.djvu/87

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compromettre celle qui avait déjà tant souffert, et nul, pas même elle qui habitait avec lui, ne se doutait des actes mystérieux qu’il accomplissait. Lui seul connaissait la cachette — un trou creusé sous une grosse pierre — où restaient déposées par lui trois cartouches de dynamite, trois autres ayant déjà servi.

Céleste partageait ses repas et dormait sous son toit, mais c’était tout. Pas un instant Galfe, qui pourtant répudiait le mariage comme bourgeois, et proclamait la liberté de l’union comme condition primordiale de l’amour, n’avait eu l’idée de posséder cette belle fille. Il lui eût semblé mettre un prix à l’hospitalité qu’il lui avait offerte, transformer un acte de solidarité spontanément accompli en honteux marchandage.

Certes, il ressentait pour elle de la sympathie, de l’amitié même, mais c’était tout. Un moment, oui, il avait senti une chaleur lui monter aux tempes, son cœur battre plus violemment qu’à l’habitude, protestation de la jeunesse et de la virilité qui lui criaient d’aimer. Ce n’avait été qu’un éclair : l’instant d’après, il s’était replongé, mystique et farouche, dans sa contemplation d’un monde idéal. Et il ne cherchait pas, ne pensait pas à lire dans cette âme de jeune fille.

Pour Céleste, il en était tout différemment. Jusqu’à ce jour malheureuse, sevrée d’affection, elle avait enfin, pour la première fois, rencontré un cœur généreux et désintéressé. Galfe lui apparaissait comme un être supérieur, avec des pensées autres que celles du commun des mortels. Elle n’osait l’interroger sur ses idées ; quand par hasard, et comme se répondant à lui-même, il laissait tomber une phrase empreinte de sa religion d’humanité libre, Céleste demeurait en suspens, muette et toute pensive. Parfois aussi elle trouvait dans son propre