Page:Malato - La Grande Grève.djvu/88

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cœur et son bon sens que ce que disait Galfe était tout naturel.

Elle raccommodait le linge et les effets du jeune mineur, s’occupait de la cuisine, tenait en un mot le ménage.

Galfe avait séparé sa cabane en deux pièces par un vieux drap tendu d’un mur à l’autre. Il avait abandonné d’autorité son lit à Céleste, se fabriquant pour lui-même une autre couchette avec quatre pieux, une toile et un amas d’herbes sèches. Cette couchette était près de la porte ; quand il croyait Céleste endormie, il se levait sans bruit, portant à la main ses souliers qu’il chaussait dehors, et il s’en allait commettre quelque autre attentat, À son retour, il prenait les mêmes précautions pour ne pas réveiller la jeune fille.

En d’autres circonstances, Galfe eût consacré tous ses loisirs à faire d’elle une anarchiste. La société bourgeoise n’avait pas eu le temps de la pourrir ; son cœur était encore accessible à la révolte contre l’injustice, à la haine du mal, à l’enthousiasme pour le beau ; mais maintenant une seule pensée dominait, possédait le jeune homme :

Appeler par ses actes individuels le gros de l’armée des mineurs à la révolte, à la lutte définitive pour l’émancipation.

Cependant, le jour du procès des mineurs arrivait. Tout l’intérêt maintenant se concentrait sur Chôlon. La petite ville était emplie d’un va-et-vient de témoins, de journalistes, et aussi de policiers. Les deux camps étaient en présence : le camp jaune du capital, le camp rouge de la révolution.

Geneviève était venue, anxieuse, torturée et cependant confiante en l’acquittement de son mari. On eût difficilement reconnu en elle la belle jeune femme de naguère. Ses yeux rougis par les larmes et les nuits sans sommeil, passées cousant et songeant, brillaient de fièvre dans un visage amaigri.