Page:Malato - La Grande Grève.djvu/93

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Jamais la tartuferie chrétienne n’avait été plus doucereusement féroce. « Quel bon prêtre ! » murmuraient dans une demi-pâmoison hystérique la comtesse de Fargeuil, Mme  Hachenin et les autres pieuses dames couvant le jeune et blond vicaire de longs regards énamourés, tandis qu’un inexprimable sentiment d’indignation et d’horreur rendait muet Détras. Était-il possible que ce ne fût point un rêve ? Il fit un effort pour se lever, crier son exaspération, et il retomba le poing crispé sans avoir pu prononcer un mot.

— Votre déposition est bien inutile, monsieur l’abbé, dit onctueusement le président, l’attitude de l’accusé parle suffisamment : il avoue.

Dans l’explosion de murmures qui suivit ces paroles, on entendit dans l’assistance ce cri de désespérée poussé par une voix de femme :

— C’est faux !

C’était Geneviève, défaillante en entendant accabler Albert. L’instant d’après, elle tombait à bout de forces, inanimée ; Panuel, qui ne la quittait pas, n’eut que le temps de la soulever dans ses bras et de l’emporter comme un enfant. Elle ne reprit connaissance que pour apprendre que la justice venait de faire de son mari un mort-vivant : un forçat, et d’elle une veuve.

Quant à Janteau, il demeurait littéralement écrasé.

De son côté Galfe ayant, à l’instigation du mouchard Bernin qu’il prenait pour un compagnon, tenté de faire sauter la maison d’un maître-porion, suivait bientôt Détras et Janteau devant la cour d’assises et s’y entendait condamner aux travaux forcés à perpétuité.

Les travaux forcés à perpétuité alors que le mineur n’avait tué personne ! Quoi c’était là, rendue au nom du peuple souverain, la justice de la République ? Était-ce donc vrai ce que disaient les révolutionnaires que, sous ce gouvernement comme sous les précé-