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Page:Malato - La Grande Grève.djvu/92

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accablé de soufflets et de crachats : c’était tout juste si on ne l’avait pas couronné d’épines. Et lui, après cette douloureuse passion, à l’exemple du divin Maître, pardonnait à ses bourreaux ! Chez le juge d’instruction, tout en reconnaissant par respect de la vérité, les sévices odieux qui lui avaient été infligés, il s’était refusé à en nommer les auteurs. Lorsque le magistrat, las d’insister, lui avait dit : « Monsieur l’abbé, cette générosité envers les ennemis de la société est dangereuse ; d’ailleurs, elle est inutile : nous savons bien que votre agresseur, c’est Détras, qui vous poursuivait de sa haine », le vicaire avait levé au ciel un regard angélique, en répondant d’un ton de mansuétude ineffable : « Si vous le savez, pourquoi me le demandez-vous ? »

La plupart des mineurs comme Ronnot, Vilaud, Bochard, Pétron, furent acquittés, d’autres condamnés au hasard à quelques mois de prison.

Albert Détras et Janteau entendirent avec stupeur les magistrats prononcer contre eux la peine de sept ans de travaux forcés !

Sept ans de travaux forcés, alors que le premier n’avait en réalité à sa charge qu’un port d’arme prohibée et le second la mutilation de quelques croix !

Mais la haine cléricale avait transformé Détras en chef d’un vaste complot. Des témoins inattendus, sous-ordres de Michet, affirmaient que c’était lui qui avait distribué les armes et les manifestes révolutionnaires, que c’était lui qui avait saccagé, puis dynamité la chapelle du bois de Varne, arrêté l’abbé Firot.

Et celui-ci, toujours ineffable, s’était une fois de plus, refusé à formuler un témoignage précis, laissant ainsi accabler l’accusé qu’un seul mot de vérité eût sauvé !

Ce mot-là, le prêtre se gardait bien de le dire. Il se vengeait ainsi et de l’incroyant qu’il n’avait pu convertir et de la femme qui lui avait résisté.