Page:Malato - Révolution chrétienne et Révolution sociale, Savine, 1891.djvu/123

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vant son farouche vainqueur, pouvait s’appliquer aux hommes du Nord, debout sur les débris d’un monde détruit. L’instinct d’imitation, inhérent à l’homme inculte comme au singe, les portait à calquer grossièrement les formes disparues : Clovis s’était revêtu avec orgueil de la pourpre consulaire, mettant ainsi une dignité romaine au-dessus de sa royauté franque ; Charlemagne n’eut qu’une pensée fixe, reconstituer la domination universelle des Césars, pensée qui, après lui, fut celle des empereurs germains, qui est, aujourd’hui, celle des tzars. Après chaque période de bouleversement social, une soudure tend à se faire avec le fil rompu du passé : les démolisseurs de la veille deviennent serviles plagiaires des formes qu’ils ont brisées. Ce sera, plus tard, la destinée des ex-jacobins recréant à leur profit titres et privilèges après avoir promené sur la société le niveau révolutionnaire. Et, de nos jours, dans les rangs du prolétariat qui cherche son émancipation, des hommes ambitieux guettent l’heure où, escaladant les ruines amoncelées et mettant un masque au passé, ils pourront émerger, en maîtres, de la foule.

Le monde gothique avait commencé à se romaniser lorsque les nouvelles invasions de l’époque carlovingienne le rejetèrent dans la barbarie. Plus d’académies ! plus de bibliothèques ! plus d’écoles ! à leur place, le donjon féodal, construit pour arrêter l’envahisseur, élève au ciel ses tourelles pointues et, par ses créneaux, regarde dans la campagne déserte.

Le ciel a une noirceur d’encre, une lividité de plomb : on halète plutôt qu’on ne vit. Guerres,