Page:Malato - Révolution chrétienne et Révolution sociale, Savine, 1891.djvu/129

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nache et glorieux de son ignorance ; le prêtre onctueux et le moine papelard ; le bourgeois calculateur, peu accessible aux effusions de sentiment, prêt à mourir bravement pour ses intérêts ; le Juif obséquieux et subtil, se gonflant de l’or chrétien pour être ensuite pressé « comme une éponge ».

Quant à la plèbe infime, elle croupit dans une abjection sans bornes, d’où la tirent parfois de sanglantes révoltes, suivies de répressions impitoyables. Le truand des villes, pas plus que le serf de la glèbe, n’a encore figure d’être humain : c’est l’animal sournois, craintif, fuyant le seigneur et qui reçoit la mort en hurlant, à moins que, se voyant perdu et pris d’une soudaine fureur, il ne se retourne d’un bond contre le chasseur, le renverse et l’éventre.

Les croisades occasionnèrent un profond ébranlement dans les couches sociales. Après la période d’enthousiasme, arriva celle de critique, puis d’hostilité : c’est l’ordre naturel.

Comme toujours, les protestations, au début, furent assez modestes. La foi s’était si fortement implantée dans les cerveaux et dans les cœurs qu’on n’eût osé attaquer de front les dogmes catholiques. En 1051, déjà, l’archidiacre Bérenger, après avoir formulé quelques objections sur la présence réelle dans l’Eucharistie, s’était prudemment rétracté. Un siècle plus tard, Abélard et Gilbert scandalisaient les dévôts par une dialectique subtile qui faisait les délices des érudits et à laquelle le peuple n’entendait goutte. Mais voici que des hommes parlant une langue intelligible à tous, s’écrient : « Plus de sacrements ! plus de symboles ! plus de hiérarchie ! plus