Page:Malato - Révolution chrétienne et Révolution sociale, Savine, 1891.djvu/146

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Livre bizarre, cependant, et plein de décousu car les vieilles idées mosaïstes ont pénétré malgré eux les sectateurs de Jésus. Dans l’Évangile, le sentiment élimine toute raison. Meurtrie, brisée par l’âpre société romaine, l’âme s’y répand, tantôt en violentes imprécations, derniers échos des grandes révoltes vaincues, tantôt en plaintes timides semblables aux gémissements des captifs dans l’ergastule. Sorties contre les riches, rappels à la dignité, exhortations à la lâcheté : la joue gauche tendue aux soufflets après la joue droite tout y est.

Cette jeune Bible fut, comme l’ancienne, échafaudée avec des fragments de légendes et plus d’une fois remaniée. Des contradictions flagrantes existent entre les récits des quatre auteurs présumés : Luc, Marc, Jean, Mathieu. Les Évangiles attribués aux trois premiers étaient écrits en langue grecque ; ceux de Mathieu, seuls, en langue hébraïque. Au ive siècle, la Bible entière fut traduite en latin par Jérôme. Combien le fonds primitif ne dût-il pas être altéré par tous ces changements de forme !

Ce fut surtout après le concile de Nicée que l’Évangile devint le livre des chrétiens, prêtres et laïques. Pour les Barbares ignorants ou crédules, c’était le grimoire magique guérissant les maux de l’âme, peut-être ceux du corps et, lorsque le colosse romain eut roulé dans la poussière, que les seuls restés maîtres de la science furent les prêtres, plus que jamais ces intermédiaires entre le ciel et l’homme parurent au peuple investis d’une puissance surnaturelle.

Qu’on feuillette les vieux romans de chevalerie,