Page:Malato - Révolution chrétienne et Révolution sociale, Savine, 1891.djvu/166

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avec l’intuition vague qu’ils avaient des siècles de servitude à venger, les plébéiens se levèrent.

Tout de suite, la femme fut de leur côté : à Montlhéry, pendant la grande disette, ce sont des femmes qui éventrent les sacs de blé à coups de ciseaux. À Paris, ce sont elles qui, en octobre, vont à Versailles chercher le boulanger. Et, dans ces journées où la multitude grondante essaie ses forces avant de donner au pouvoir l’assaut définitif, qui donc, apparaissant à la tête des faubourgs, guide l’attaque ? Théroigne. Qui anime la résistance ? Antoinette.

La force d’une révolution peut se mesurer infailliblement à la part qu’y prend la femme. Pendant quatre ans, des salons aux mansardes, elle est pour : et la vague géante, comme obéissant à une invisible magicienne, continue à s’avancer. Quatre-vingt-treize marque la période culminante, le sinistre se mêle de plus en plus à l’héroïque, mais la situation est si grave, il ne faut pas chicaner sur les remèdes à employer et puis l’enthousiasme n’est pas encore usé ! mais 94 multiplie les hécatombes, les fervents de la veille s’exterminent sur les débris du trône renversé. Après la reine, l’Autrichienne détestée, ce sont des jeunes filles inoffensives qu’on immole ou de vieilles folles comme Catherine Théot ; le sentiment populaire se trouble, il va s’indigner : les froids jacobins, qui ont jeté au panier les têtes de ces grands passionnés, remueurs de foules, Danton, Hébert, Clootz, sont perdus. Parfois vaillantes comme Charlotte Corday, toujours féroces, nobles dames, prostituées ou vendéennes, des créatures charmantes et furieuses bondissent avec des élans