Page:Malato - Révolution chrétienne et Révolution sociale, Savine, 1891.djvu/178

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philosophe, sublime et naïf, qui flétrit comme pas un le commerce voleur, et, pendant vingt ans, mendie un million au philanthrope qui voudra faire l’essai de son système ! « Le mouvement social, écrit-il au lendemain même de la Révolution, tend à dépouiller de plus en plus les classes inférieures et pauvres au profit des classes supérieures et riches ; l’industrie et le commerce opèrent de nos jours, en continuant leur développement, l’accroissement des servitudes collectives et indirectes et organisent rapidement la féodalité industrielle, mercantile et financière. »

Ces lignes datent de 1808 : quelle prescience ! Aujourd’hui la féodalité capitaliste, après avoir tout accaparé, propriété foncière, mines, navigation, chemins de fer, industrie, commerce, tend à se résorber en une monarchie : les milliards de Rothschild, de Gould, de Mackay, de Vanderbilt gouvernent le monde, — monarchie la plus absolue de toutes, la plus écrasante et, aussi, la plus insaisissable, car elle est, en même temps, impersonnelle. Les patriciens de l’ancienne Rome, qui jetaient des esclaves vivants en pâture aux poissons de leurs viviers, les seigneurs du moyen âge, au cœur de fer comme leur armure, pouvaient, parfois, sentir leur nature humaine se réveiller : le dieu Capital est sourd, aveugle, inexorable. Tel financier aimable dans l’intimité, bienveillant, se targuant même de philanthropie, va, en un coup de bourse, ruiner des centaines de familles, semer autour de lui suicides, deuils, misère, prostitution ; qu’on ne s’en prenne pas à l’individu, l’engrenage qui l’entraîne le rend