Page:Malato - Révolution chrétienne et Révolution sociale, Savine, 1891.djvu/180

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ce penseur, qui méconnaît la foule, a, du moins, en s’isolant d’elle, conquis l’avantage de pouvoir exprimer ses idées personnelles et, audace inouïe, il n’hésite pas à réhabiliter les passions ! Dans ces forces naturelles, si sottement comprimées ou détruites par les moralistes chrétiens, il voit l’essence même de l’individualité, et toujours, proclame-il, elles peuvent être utilisées dans l’intérêt commun.

C’est la théorie reprise par les modernes anarchistes. Passionnés amants de la liberté, ils affirment que du plein épanouissement de chaque être naîtra l’universelle harmonie : plus d’autorité ! et leur haine du joug est telle que d’aucuns ajoutent : plus d’organisation ! confondant l’action éparse, seule efficace, contre la société actuelle, avec les nécessités sociales de demain.

Mais le timide Fourier n’ose pas aller jusqu’au bout : il reste étatiste ; il reste surtout anti-égalitaire : pas de communisme mais association du capital, du travail, du talent et répartition proportionnelle à ces divers facteurs. Il est persuadé que l’autonomie de l’individu ne peut subsister au sein de l’égalité communiste et il ne s’aperçoit pas que cette autonomie est encore bien moins compatible avec une société où tout est classifié, où toutes les fonctions se hiérarchisent.

Le gouvernement unitaire qu’il rêve, réglant dans le monde entier la production, la consommation et l’échange, dirigeant les travaux, coordonnant les gouvernements secondaires placés à la tête des autres nations, dominant des armées de fonctionnaires, ne serait pas moins écrasant que la