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Page:Malato - Révolution chrétienne et Révolution sociale, Savine, 1891.djvu/187

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un système communiste. L’Algérie, récemment conquise, était devenue le point de mire de ceux qui brûlaient de montrer aux incrédules le fonctionnement heureux de leur société idéale ; les fouriéristes y avaient, sans succès, ébauché un phalanstère. Le gouvernement ne pouvait voir d’un mauvais œil ces exodes de prolétaires, qui débarrassaient la métropole d’éléments actifs et turbulents, destinés à se perdre dans les hasards d’une vie lointaine.

Cabet échoua : la colonie de Nauwoo, aux prises avec les difficultés inhérentes à toute société qui débute, se scinda en fractions rivales. Le fondateur, idole déchue, fut chassé et réduit à venir se défendre devant les tribunaux français d’une accusation d’escroquerie. Quel écroulement pour un prophète ! Il ne survécut pas à l’envolement de ses espérances.

La grande erreur de cet homme, erreur commune à la plupart de ses contemporains, fut de chercher le mot de l’avenir social dans une religion qui, quelque purifiée qu’elle soit, par cela même qu’elle est religion, est forcément incompatible avec la science et la liberté. Tous ces mystagogues, ainsi les appellera Proudhon, crurent qu’il suffirait d’un livre, nouvel Évangile, pour révolutionner l’humanité. Ils eurent foi en eux, nullement en la masse qu’ils prétendaient émanciper ; vivant avec leurs idées toutes subjectives, ils ne tinrent compte ni de l’ambiant ni des situations qui se modifient en se déterminant les unes les autres : comment eussent-ils pu résoudre un problème dont ils négligeaient des éléments essentiels ?