Page:Malato - Révolution chrétienne et Révolution sociale, Savine, 1891.djvu/260

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attaquée en Orient par la Russie, rongée chez elle par le paupérisme, menacée partout par les fénians irlandais, — ceux d’Amérique ont, en moins de trois ans, envoyé un million de dollars à leurs frères d’Europe — est vouée à une révolution qui ébranlera le monde entier comme un coup de tonnerre.

L’Anglais ne laisse pas fuser son enthousiasme à l’avance. Il n’en sera que plus terrible, le moment psychologique arrivé. Il faut avoir parcouru Londres dans ses inextricables fouillis, visité les ruelles misérables de Haymarket et les indescriptibles galetas du Strand pour concevoir quelle quantité de misère s’amoncelle dans cette ville, la plus riche du monde. Il faut distinguer l’ouvrier classé, travaillant un peu moins que dans les autres pays d’Europe et gagnant un peu plus, du désespéré tombant de la prison au workhouse, du workhouse dans la rue, s’engageant sous le sobriquet de blackleg, pour suppléer les ouvriers et recevant un salaire moyen d’un schelling par jour. Celui-là est le vrai prolétaire et, sous une navrante résignation qu’entretiennent le gin et le whisky, il reste dans son cœur une place pour la révolte. Ces deux nuances sont bien tranchées. Plus modérés encore que les possibilistes français, les travailleurs soudés en trade’s unions, associations puissantes, ne se défendent pas d’une sorte de mépris à l’égard des gens du mob, irréguliers de la misère. C’est bien le quatrième État qui s’affirme comme aussi exclusiviste que le Tiers. S’il lutte contre la bourgeoisie, c’est sans se presser et des grèves gigantesques d’employés des docks, de mineurs, des soulèvements même de policemen ont