Page:Malato - Révolution chrétienne et Révolution sociale, Savine, 1891.djvu/267

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disent, finalement, de tomber dans le ridicule. S’il est naturel de chercher une orientation, de scruter même autant que possible les brumes de l’avenir, on ne peut entrevoir cet avenir que dans les grandes lignes et encore !

C’est ce qui fait parfois la supériorité des natures intuitives. Leur affinement de nerfs les rend aptes à saisir des impressions qui échappent aux enragés chiffreurs ; il se fait en elles un travail psychique si rapide qu’elles ne peuvent en avoir conscience. Viennent les événements et tandis que les scientifiques se perdent en calculs, hésitent, tergiversent et, neuf fois sur dix, tournent le dos à la vraie voie, les autres vont au but avec la précision de l’aiguille aimantée se dirigeant vers son pôle.

Par exemple, il est impossible d’être plus étrangère à la vie réelle que Louise Michel. Perdue dans la contemplation extatique de l’avenir, elle a traversé la guerre, l’exil, la prison sans s’en apercevoir : personne n’est moins pratique dans les petites choses et les amis qu’elle a conservés dans les fractions autoritaires ne se font pas faute de la railler entre eux. Cependant, chaque fois qu’un fait de quelque importance sociale est survenu, elle a senti et marché, tandis que Guesde, apôtre de l’Évangile marxiste, et Chirac l’homme-chiffre (ainsi l’appelle Drumont) se troublaient et finissaient par s’infliger de cruels démentis. La manifestation ouvrière du 1er mai 1890 en est une preuve entre mille. Après avoir jadis éloquemment démontré la duplicité du suffrage universel, l’inflexibilité de la loi des salaires et l’impossibilité pour l’État de favoriser la