Page:Malato - Révolution chrétienne et Révolution sociale, Savine, 1891.djvu/60

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plus distribuées, mais demandées au peuple. Nombre d’évêques et de diacres, s’attribuant les sommes destinées aux pauvres, prêtaient à usure ; d’autres erraient dans les provinces, non plus en obscurs propagandistes, mais en jouisseurs, étalant leur luxe et se faisant grassement entretenir par leurs coreligionnaires.

Fatalement, il arrivait que les deux sociétés — païenne et chrétienne — se pénétraient, déteignaient l’une sur l’autre : un commencement de fusion s’élabora. Le paganisme avait exalté jusqu’au délire le culte de la chair ; les premiers chrétiens, effrayés de ce débordement de sensualisme où menaçaient de sombrer l’intelligence et la dignité humaines, avaient, par esprit d’opposition, prêché la pudeur, la continence, l’indissolubilité du mariage ; les alliances avec les Gentils avaient été sévèrement proscrites. Ce rigorisme se relâcha ; les évêques, devenus des personnages[1], ne s’occupèrent plus que de bien vivre ; tandis que les idées d’égalité et de réforme sociale subsistaient encore dans la masse chrétienne, déjà les chefs de cette masse s’abandonnaient à leurs rêves d’ambition.

Ce recul dans les idées et dans les actes est un phénomène qui se produit aux approches des commotions sociales enfantées dans une lente évolution. L’étude incessante du but à atteindre et des moyens à employer a tué ou, tout au moins, amorti l’ardeur primitive ; le mouvement s’est élargi, mais a perdu

  1. Saint Jérôme constate positivement l’égalité du prêtre et de l’évêque chez les premiers chrétiens (idem est ergo presbyter qui episcopus).