Page:Malato - Révolution chrétienne et Révolution sociale, Savine, 1891.djvu/63

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mais cette paix était pire que la mort. Elle cessait, d’ailleurs, aux frontières, où les légions étaient incessamment tenues en haleine par des essaims de rebelles : Bretons, Germains, Sarmates, Daces, Parthes, Arabes, Africains. Ces barbares, qui avaient sous les yeux le triste sort des nations soumises, étaient décidés à tout plutôt qu’à subir une condition si misérable.

Le spectacle que présentait l’intérieur de l’empire, sous son voile de trompeuse félicité, était lamentable. Pour fournir à la gloire des Césars, à l’oisiveté du peuple-roi, à la multiplicité des fonctionnaires, à l’entretien des rouages de l’État, si complexes, si ingénieusement combinés, quel rendement colossal ne fallait-il pas ? L’industrie, dans son acception moderne, n’existait point ; Rome faisait venir, à grands frais, des pays éloignés, et principalement d’Orient, les objets de luxe : soieries, étoffes, pierres précieuses, ivoire, albâtre, porcelaine, ambre, aromates. Importation énorme, exportation nulle. L’agriculture, jadis si développée en Italie, n’existait plus. Ruinés par les anciennes guerres, saignés par le fisc, écrasés par les grands propriétaires fonciers dont les domaines égalaient des provinces, les petits cultivateurs avaient peu à peu disparu. Ceux qui ne pouvaient payer l’impôt, toujours plus écrasant, abandonnaient leur patrimoine à l’État ou se vendaient, esclaves volontaires ! Plus de classe moyenne, plus de colons libres. — Oh ! ce nom de colon, jadis allègrement porté par le laboureur, maître de sa personne et de son champ, il servira, pendant de longs siècles, à désigner le