Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/119

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général les causes des changements qui arrivent dans les esprits animaux et dans les fibres du cerveau, parce qu’ainsi on découvrira tous ceux qui se trouvent dans l’imagination.

L’homme ne demeure guère long-temps semblable à lui-même ; tout le monde a assez de preuves intérieures de son inconstance ; on juge tantôt d’une façon et tantôt d’une autre sur le même sujet ; en un mot, la vie de l’homme ne consiste que dans la circulation du sang, et dans une autre circulation de pensées et de désirs, et il semble qu’on ne puisse guère mieux employer son temps qu’à rechercher les causes de ces changements qui nous arrivent, et apprendre ainsi à nous connaître nous-mêmes.


CHAPITRE II.
I. Des esprits animaux, et des changements auxquels ils sont sujets en général. — II. Que le chyle va au cœur, et qu’il apporte du changement dans les esprits. — III. Que le vin en fait autant.


I. Tout le monde convient assez que les esprits animaux ne sont que les parties les plus subtiles et les plus agitées du sang, qui se subtilise et s’agite principalement par la fermentation, et par le mouvement violent des muscles dont le cœur est composé ; que ces esprits sont conduits avec le reste du sang par les artères jusque dans le cerveau, et que là ils en sont séparés par quelques parties destinées à cet usage, desquelles on ne convient pas encore.

Il faut conclure de la que si le sang est fort subtil, il y aura beaucoup d’esprits animaux ; et que s’il est grossier, il y en aura peu ; que si le sang est composé de parties fort faciles à s’embraser dans le cœur et ailleurs, ou fort propres au mouvement, les esprits qui seront dans le cerveau seront extrêmement échauffés ou agités ; que si au contraire le sang ne se fermente pas assez, les esprits animaux seront languissants, sans action et sans force : enfin que, selon la solidité qui se trouvera dans les parties du sang, les esprits animaux auront plus ou moins de solidité, et par conséquent plus ou moins de force dans leur mouvement. Mais il faut expliquer plus au long toutes ces choses, et apporter des exemples et des expériences incontestables, pour en faire reconnaître plus sensiblement la vérité.

II. L’autorité des anciens n’a pas seulement aveuglé l’esprit de quelques gens, on peut même dire qu’elle leur a fermé les yeux. Car il y a encore quelques personnes si respectueuses à l’égard des anciennes opinions, ou peut-être si opiniâtres, qu’ils ne veulent pas voir des choses qu’ils ne pourraient plus contredire s’il leur plai-