Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/128

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obscures, et il semble qu’il n’aperçoive pas les idées même les plus claires et les plus évidentes. Si je m’arrêtais à rapporter des passages de cet auteur pour justifier ce que je dis, je ferais une digression trop longue et trop ennuyeuse. S’il est permis de faire quelques réflexions qui arrêtent pour un moment l’esprit sur des vérités essentielles, il n’est jamais permis de faire des digressions qui détournent l’esprit pendant un temps considérable de l’attention à son principal sujet, pour l’appliquer à des choses de peu d’importance.

On vient d’expliquer les causes générales tant extérieures qu’intérieures qui produisent du changement dans les esprits animaux, et par conséquent dans la faculté d’imaginer. On a fait voir que les extérieures sont les viandes dont on se nourrit et l’air que l’on respire, et que l’intérieure consiste dans l’agitation involontaire de certains nerfs. On ne sait point d’aμtres causes générales et l’en assure même qu’il n’y en a point. De sorte que la faculté d’imaginer ne dépendant de la part du corps que de ces deux choses, savoir, des esprits animaux et de la disposition du cerveau sur lequel ils agissent, il ne reste plus ici pour donner une parfaite connaissance de l’imagination que d’exposer les différents changements qui peuvent arriver dans la substance du cerveau. Mais avant que d’examiner ces changements il est à propos d’expliquer la liaison de nos pensées avec les traces du cerveau, et la liaison réciproque de ces traces. Il faudra aussi donner quelque idée de la mémoire et des habitudes, c’est-à-dire de cette facilité que nous avons de penser à des choses auxquelles nous avons déjà pensé, et de faire des choses que nous avons déjà faites.


CHAPITRE V.
I. De la liaison des idées de l’esprit avec les traces du cerveau. — II. De la liaison réciproque qui est entre ces traces. — III. De la mémoire. — IV. Des habitudes.


De toutes les choses matérielles, il n’y en a point de plus digne de l’application des hommes que la structure de leur corps et que la correspondance qui est entre toutes les parties qui le composent ; et de toutes les choses spirituelles, il n’y en a point dont la connaissance leur soit plus nécessaire que celle de leur âme, et de tous les rapports qu’elle a indispensablement avec Dieu, et naturellement avec le corps.

Il ne suffit pas de sentir ou de connaître confusément que les traces du cerveau sont liées les unes avec les autres, et qu’elles