Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/129

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sont suivies du mouvement des esprits animaux ; que les traces réveillées dans le cerveau réveillent des idées dans l’esprit, et que des mouvements excités dans les esprits animaux excitent des passions dans la volonté. Il faut autant qu’on le peut savoir distinctement la cause de toutes ces liaisons différentes, et principalement les effets qu’elles sont capables de produire.

Il en faut connaître la cause, parce qu’il faut connaître celui qui seul est capable d’agir en nous et de nous rendre heureux ou malheureux ; et il en faut connaître les effets parce qu’il faut nous connaître nous-mêmes autant que nous le pouvons, et les autres hommes avec qui nous devons vivre. Alors nous saurons les moyens de nous conduire et de nous conserver nous-mêmes dans l’état le plus heureux et le plus parfait où l’on puisse parvenir, selon l’ordre de la nature et selon les règles de l’Évangile ; et nous pourrons vivre avec les autres hommes, en connaissant exactement et les moyens de nous en servir dans nos besoins, et ceux de les aider dans leurs misères.

Je ne prétends pas expliquer dans ce chapitre un sujet si vaste et si étendu. Je ne prétends pas même de le faire entièrement dans tout cet ouvrage. Il y a beaucoup de choses que je ne connais pas encore, et que je n’espère pas de bien connaître ; et il y en a quelques-unes que je crois savoir, et que je ne puis expliquer. Car il n’y a point d’esprit si petit qu’il soit qui ne puisse en méditant découvrir plus de vérités que l’homme du monde le plus éloquent n’en pourrait déduire.

I. Il ne faut pas s’imaginer, comme la plupart des philosophes, que l’esprit devient corps lorsqu’il s’unit au corps, et que le corps devient esprit lorsqu’il s’unit à l’esprit. L’âme n’est point répandue dans toutes les parties du corps afin de lui donner la vie et le mouvement, comme l’imagination se le figure ; et le corps ne devient point capable de sentiment par l’union qu’il a avec l’esprit, comme nos sens faux et trompeurs semblent nous en convaincre., Chaque substance demeure ce qu’elle est ; et comme l’âme n’est point capable d’étendue et de mouvements, le corps n’est point capable de sentiment et d’inclinations. Toute l’alliance de l’esprit et du corps qui nous est connue consiste dans une correspondance naturelle et mutuelle des pensées de l’âme avec les traces du cerveau, et des émotions de l’âme avec les mouvements des esprits animaux.

Dès que l’âme reçoit quelques nouvelles idées, il s’imprime dans le cerveau de nouvelles traces : et dès que les objets produisent de nouvelles traces, l’âme reçoit de nouvelles idées. Ce n’est