Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/162

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Si les châtiments n’instruisent pas l’esprit, et s’ils ne font point aimer la vertu, ils instruisent au moins en quelque manière le corps, et ils empêchent que l’on ne goûte le vice, et par conséquent que l’on ne s’en rende esclave. Mais ce qu’il faut principalement remarquer c’est que les peines ne remplissent pas la capacité de l’esprit, comme les plaisirs. On cesse facilement d'y penser, des qu’on cesse de les souffrir et qu’il n’y a plus de sujet de les craindre. Car alors elles ne sollicitent point l’imagination ; elles n’excitent point les passions ; elles n’irritent point la concupiscence ; enfin elles laissent à l’esprit toute la liberté de penser à ce qu’il lui plaît. Ainsi on peut s’en servir envers les enfants pour les retenir dans leur devoir ou dans l’apparence de leur devoir.

Mais s’il est quelquefois utile d’effrayer et de punir les enfants par des châtiments sensibles, il ne faut pas conclure qu’on doive les attirer par des récompenses sensibles, il ne faut se servir de ce qui touche les sens avec quelque force que dans la dernière nécessité. Or, il n’y en a aucune de leur donner des récompenses sensibles et de leur représenter ces récompenses comme la fin de leurs occupations. Ce serait au contraire corrompre toutes leurs meilleures actions et les porter plutôt à la sensualité qu’à la vertu. Les traces des plaisirs qu’on à une fois goûtés demeurent fortement imprimées dans l’imagination ; elles réveillent continuellement les idées des biens sensibles ; elles excitent toujours les désirs importuns, qui troublent la paix de l’esprit ; enfin elles irritent la concupiscence en toutes rencontres, et c’est un levain qui corrompt tout : mais ce n’est pas ici le lieu d’expliquer ces choses comme elles le méritent.




DEUXIÈME PARTIE.


CHAPITRE PREMIER.
I. De l'imagínation des femmes. — II. De celle des hommes. — III. De celle des vieillards.


Nous avons donné quelque idée des causes physiques du dérèglement de l’imagination des hommes dans l’autre partie ; nous tâcherons dans celle-ci de faire quelque application de ces causes aux erreurs les plus générales que l’on peut appeler morales.