choses à fond, se laissent surprendre aux manières et aux apparences.
Lorsque l’erreur porte les livrées de la vérité, elle est souvent plus respectée que la vérité même, et ce faux respect a des suites très-dangereuses. Pessima res est errorum apotheosis ; et pro peste íntellectus habenda est, si vanís accedat veneratio[1]. Ainsi, lorsque certaines personnes, ou par un faux zèle, ou par l’amour qu’ils ont eu pour leurs propres pensées, se sont servis de l’Écriture sainte pour établir de faux principes de physique ou de métaphysique, ils ont été souvent écoutés comme des oracles par des gens qui les ont crus sur leur parole, à cause du respect qu’ils devaient à l’autorité sainte ; mais il est aussi arrivé que quelques esprits mal faits ont pris sujet de là de mépriser la religion, de sorte que, par un renversement étrange, l’Écriture sainte a été cause de l’erreur de quelques-uns, et la vérité a été le motif et l’origine de l’impiété de quelques autres. Il faut donc bien prendre garde, dit l’auteur que nous venons de citer, de ne pas chercher les choses mortes avec les vivantes, et de ne pas prétendre par son propre esprit découvrir dans la sainte Écriture ce que le Saint-Esprit n’y a pas voulu déclarer. Et divinorum, et humanomm malesana admíxtione, continue-t-il, non solum educítur phílosophia fantastica, sed etiam religio hæretica. Itaque salutare admodum est si mente sobria fidei tantum dentur, quæ fideí sunt. Toutes les personnes donc qui ont autorité sur les autres, ne doivent rien décider qu’après y avoir d’autant plus pensé que leurs décisions sont plus suivies ; et les théologiens principalement doivent bien prendre garde à ne point faire mépriser la religion par un faux zèle ou pour se faire estimer eux-mêmes et donner cours à leurs opinions. Mais parce que ce n’est pas à moi à leur dire ce qu’ils doivent faire, qu’ils écoutent saint Thomas, leur maître, qui, étant interrogé par son général pour savoir son sentiment sur quelques articles, lui répond, par saint Augustin, en ces termes[2] :
Il est bien dangereux de parler décisivement sur des matières qui ne sont point de la foi comme si elles en étaient. Saint Augustin nous l’apprend dans le cinquième livre de ses Confessions. Lorsque je vois, dit-il, un chrétien qui ne sait pas les sentiments des philosophes touchant les cieux, les étoiles et les mouvements du soleil et de la lune, et qui prend une chose pour une autre, je le laisse dans ses opinions et dans ses doutes ; car je ne vois pas que l’ignorance où il est de la situation des corps et des différents arrangements de la matière lui puisse nuire, pourvu qu’il n’ait pas des