Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/456

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recevoir l’idée accessoire propre pour faire révulsion dans les esprits, ou pour l’y recevoir de telle manière qu’on la puisse considérer avec quelque attention ; enfin, il y a tant de circonstances particulières qui peuvent rendre ce remède inutile, que l’on ne doit pas trop s’y fier, quoi qu’il ne faille pas aussi le négliger. On doit sans cesse recourir à la prière pour recevoir du ciel le secours nécessaire dans le temps du combat, et tâcher cependant de se rendre présente à l’esprit quelque vérité si solide et si forte que l’on puisse par ce moyen vaincre les passions les plus violentes, car il faut que je dise ici en passant que des personnes de piété retombent souvent dans les mêmes fautes, parce qu’elles remplissent leur esprit d’un grand nombre de vérités qui ont plus d’éclat que de force, et qui sont plus propres à dissiper et à partager leur esprit qu’à le fortifier contre les tentations ; au lieu que des personnes grossières et peu éclairées sont fidèles dans leur devoir, parce qu’elles se sont rendu familière quelque grande et solide vérité qui les fortifie et qui les soutient en toutes rencontres.


CHAPITRE IX.
De l'amour et de l'aversion, et de leurs principales espèces.


L'amour et l’aversion sont les premières passions qui succèdent à l’admiration. Nous ne considérons pas long-temps un objet sans découvrir les rapports qu’il a avec nous, ou avec quelque chose que nous aimons. L’objet que nous aimons, et auquel par conséquent nous sommes unis par notre amour, nous étant presque toujours présent aussi bien que celui que nous admirons actuellement, notre esprit fait sans peine et sans de grandes réflexions les comparaisons nécessaires pour découvrir les rapports qu’ils ont entre eux et avec nous, ou bien il en est averti naturellement par des sentiments prévenants de plaisir et de douleur ; et alors le mouvement d’amour que nous avons pour nous et pour l’objet que nous aimons, s'étend jusqu’à celle que nous admirons, si le rapport qu’elle a immédiatement avec nous, ou avec quelque chose qui nous soit uni, nous paraît avantageux ou par la connaissance ou par le sentiment ; or ce nouveau mouvement de l’âme, ou plutôt ce mouvement de l'âme nouvellement déterminé, étant joint à celui des esprits animaux et suivi du sentiment qui accompagne la nouvelle disposition que ce nouveau mouvement d’esprit produit dans le cerveau, est la passion qu’on appelle ici amour.

Mais, si nous sentons par quelque douleur, ou si nous décou-