Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/550

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vements contraires. Si le ciel est quelque autre corps qui ne se meuve pas circulairement par sa nature, il aura quelqu’autre mouvement naturel, ce qui ne peut être. Car s’il se meut par sa nature de bas en haut, ce sera du feu ou de l’air ; si de haut en bas, ce sera de l’eau ou de la terre : donc, etc. Je ne m’arrête point à faire remarquer en particulier les absurdités de ces raisonnements, je dis seulement en général que ce que dit ici Aristote ne signifie rien de distinct, et qu’il n’y a rien de vrai ni même de concluant. Sa troisième raison est celle-ci :

Le premier et le plus parfait de tous les mouvements simples doit être le mouvement d’un corps simple, et même du premier et du plus parfait des corps simples. Mais le mouvement circulaire est le premier et le plus parfait des mouvements simples, parce que toute ligne circulaire est parfaite et qu’il n’y a aucune ligne droite qui le soit. Car si elle est finie, on lui peut ajouter quelque chose ; si infinie, elle n’est point encore parfaite, puisqu’elle n’a point de fin[1] et que les choses ne sont parfaites que lorsqu’elles sont finies. Donc le mouvement circulaire est le premier et le plus parfait des mouvements. Donc le corps qui se meut circulairement est simple, et le premier et le plus divin des corps simples. Voici sa quatrième raison.

Tout mouvement est naturel ou ne l’est pas, et tout mouvement qui n’est point naturel à quelques corps est naturel à quelques autres. Nous voyons que les mouvements de haut en bas et de bas en haut qui ne sont point naturels à quelque corps, sont naturels à d’autres, car le feu ne descend point naturellement, mais la terre descend naturellement. Or le mouvement circulaire n’est point naturel aux quatre éléments, il faut donc qu’il y ait un corps simple auquel ce mouvement soit naturel. Donc le ciel qui sc meut circulairement est un corps simple distingué des quatre éléments.

Enfin le mouvement circulaire est naturel ou violent à quelque corps. S’il est naturel, il est évident que ce corps doit être des simples et des plus parfaits. S’il n’est point naturel, il est bien étrange que ce mouvement dure toujours, puisque nous voyons que tous les mouvements qui ne sont point naturels ne durent que l’ort peu de temps. Il faut donc croire après toutes ces raisons qu’il ya quelque autre corps séparé de tous ceux qui nous environnent qui est d’une nature d’autant plus parfaite qu’il est plus éloigné de nous. Voilà comme raisonne Aristote. Mais je défie le plus intelli-

  1. Telos et teleios font la même équivoque, fini et fin. Ce philosophe prouve ainsi qu’une ligne infinie n’est pas parfaite, à cause qu’elle n’est pas finie.