Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/551

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gent de ses interprètes d’attacher des idées distinctes aux termes dont il se sert, et de faire voir que ce philosophe commence par les choses les plus simples avant que de parler des plus composées, ce qui est absolument nécessaire pour raisonner juste, comme je viens de le prouver.

Si je ne craignais point d’être ennuyeux, je traduirais encore quelques chapitres d’Aristote. Mais outre qu’on ne prend guère de plaisir à le lire en français (c’est-à-dire lorsqu’on l’entend) j’ai fait assez voir, par le peu que j'en ai exposé, que sa manière de philosopher est entièrement inutile pour découvrir la vérité. Car puisqu’il dit lui-même dans le cinquième chapitre de ce livre, que ceux qui se trompent d’abord en quelque chose se trompent dix mille fois davantage s’ils avancent beaucoup, étant visible qu’il ne sait ce qu’il dit dans les deux premiers chapitres de son livre, on doit croire qu’il n’œt pas sùr de se rendre à- son autorité sans examiner ses raisons. Mais afin qu’on en soit encore plus persuadé, je vais faire voir qu’il n’y a point de chapitre dans ce premier Livre où il n’y ait quelque impertinence.

Dans le troisième chapitre, il dit que les cieux sont incorruptibles et incapables d’aucune altération ; il en apporte plusieurs preuves assez badines, comme que c’est la demeure des dieux immortels, et que l’on n’y a jamais remarqué de changement. la dernière de ces preuves serait assez bonne s’il disait que quelqu'un en fût revenu, ou qu’il eùt été assez proche des corps célestes pour en remarquer les changements. Mais je ne sais même si présentement on se rendrait à son autorité à cause que les lunettes d’approche nous apprennent le contraire.

Il prétend prouver, dans le quatrième chapitre, que le mouvement circulaire n’a point de contraire. Néanmoins, il est manifeste que le mouvement d’orient en occident est contraire à celui qui se fait d’occident en orient.

Dansle cinquième chapitre il prouve mal que les corps ne sont point infinis, parce qu’il tire sa preuve des mouvements des corps simples. Car qui empéche qu’au-dessus de son premier mobile il n’y ait encore quelque étendue qui soit sans mouvement ? Dans le sixième il s’amuse, inutilement à prouver que les éléments ne sont pas infinis. Car qui en peut douter, lorsqu’on suppose comme lui qu’ils sont renfermés dans le ciel qui les environne ? Mais il se rend ridicule lorsqu’il s’avise de le prouver par leur pesanteur et par leur légèreté. Si les élements étaient infinis, dit-il, il y aurait une pesanteur et une légèreté infinie, cela ne peut ètre. Donc, etc. Ceux qui veulent savoir plus au long sa preuve peuvent