Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/556

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resse, desquelles toutes les autres sont composées ; et il distribue en cette sorte ces qualités premières aux quatre éléments : il donne au feu la chaleur et la sécheresse, à l’air la chaleur et l’humidité, à l’eau la froideur et l’humidité, et à la terre la froideur et la sécheresse[1]. Il assure que la chaleur et la froideur sont des qualités actives, et que la sécheresse et humidité sont des qualités passives. Il définit la chaleur, ce qui assemble les choses de même genre ; la froideur, ce qui assemble toutes choses, soit de même, soit de divers genres ; l’humide, ce qui ne se contient pas facilement dans ses propres bornes, mais dans des bornes étrangères ; et le sec, ce qui se contient facilement dans ses propres bornes et ne s’accommode pas facilement aux bornes des corps qui l’environnent.

Ainsi, selon Aristote, le feu est un élément chaud et sec ; c’est donc un élément qui assemble les choses de même nature et qui se contient facilement dans ses propres bornes, et difficilement dans des bornes étrangères. L’air est un élément chaud et humide ; c’est donc un élément qui assemble les choses de même genre, et qui ne se contient pas facilement dans ses propres bornes, mais dans des bornes étrangères. L’eau est un élément froid et humide ; c’est donc un élément qui rassemble les choses de même et de différente nature, et qui ne se contient pas facilement dans ses propres bornes, mais dans des bornes étrangères. Et enfin, la terre est froide et sèche ; c’est donc un élément qui rassemble les choses de même et de différente nature, qui se contient facilement dans ses propres bornes, et qui ne s’accommode pas facilement à des bornes étrangères.

Voilà les éléments expliqués selon le sentiment d’Aristote, ou selon les définitions qu’il a données de leurs qualités principales et parce que, si nous l’en croyons, les éléments sont les corps simples dont tous les autres sont composés, et leurs qualités des qualités simples dont toutes les autres sont composées, la connaissance de ces éléments et de leurs qualités doit être très-claire et très-distincte, puisque toute la physique, c’est-à-dire la connaissance des corps sensibles qui en sont composés, en doit être déduite.

Voyons donc ce qui peut manquer à ces principes. Premièrement, Aristote n’attache point d’idée distincte au mot de qualité : on ne sait si, par qualité, il entend un être réel distingué de la matière, ou seulement la modification de la matière ; Il semble quelquefois qu’il l’entende en un sens, et quelquefois en un autre. Il est vrai que dans le huitième chapitre des catégories, il définit la qualité : ce qui fait que les choses sont appelées telles, mais ce n’est pas

  1. Chapitre 2.