Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/557

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tout à fait ce qu’on demande. Secondement, les définitions qu’il donne des quatre premières qualités, la chaleur, la froideur, l’humidité et la sécheresse sont toutes fausses ou inutiles. Voici sa définition de la chaleur : La chaleur, c’est ce qui assemble les choses de même nature.

Premièrement, on ne voit pas que cette définition explique parfaitement la nature de la chaleur, quand même il serait vrai que la chaleur assemblerait toujours les choses de même nature.

Secondement, il est faux que la chaleur assemble les choses de même nature. La chaleur n’assemble point les parties de l’eau ; elle les dissipe plutôt en vapeur. Elle n’assemble point les parties du vin, ni celles de toute autre liqueur ou corps fluide qu’il vous plaira, ni même celles du vif-argent ; elle résout, au contraire, et elle sépare tous les corps solides et fluides de même et de différente nature ; et, s’il y en a quelques-unes dont le feu ne puisse dissiper les parties, ce n’est point quelles soient de même nature, mais c’est qu’elles sont trop grosses et trop solides pour être enlevées Par le mouvement des parties du feu.

En troisième lieu, la chaleur selon la vérité ne peut ni assembler ni dissiper les parties d’aucun corps de même ou de différente nature ; car, pour assembler, pour séparer, pour dissiper les parties de quelque corps, il faut les remuer : or la chaleur ne peut rien remuer, ou du moins il n’est pas évident que la chaleur puisse remuer les corps ; car, quoique l’on considère la chaleur avec toute l’attention possible, on ne peut découvrir qu’elle puisse communiquer au corps du mouvement qu’elle n’a point. On voit bien que le feu remue et sépare les parties des corps qui lui sont exposées, il est vrai, mais ce n’est peut-être point par sa chaleur, car il n’est pas même évident qu’il en ait. C’est plutôt par l’action de ses parties qui sont visiblement dans un mouvement continuel. Il est évident que les parties du feu venant à heurter contre quelque corps lui doivent communiquer une partie de leur mouvement, soit qu’il y ait de la chaleur dans le feu, soit qu’il n’y en ait point. Si les parties de ce corps sont peu solides, le feu les doit dissiper ; si elles sont fort solides et fort grossières, le feu ne peut que les remuer et les faire glisser les unes sur les autres ; enfin, si elles sont mêlées de subtiles et de grossières, le feu ne doit dissiper que celles qu’il peut pousser assez fort pour les séparer entièrement des autres. Ainsi le feu ne peut que séparer ; et s’il assemble, ce n’est que par accident. Mais Aristote prétend tout le contraire. Séparer, dit-il, que quelques-uns attribuent au feu, n’est que rassembler les