Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/564

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tout ce que j’en ai dit. Je n’ai rien voulu rapporter de ses huit livres de physique, parce que ce n’est proprement qu’une espèce de logique, et que l’on n’y trouve que des mots vagues et indéterminés par lesquels il apprend comment on peut parler de la physique sans y rien comprendre.

Comme Aristote se contredit souvent et qu’on peut appuyer presque toutes sortes de sentiments par quelques passages tirés de lui, je ne doute point que l’on ne puisse prouver par Aristote même quelques sentiments contraires à ceux que je lui ai attribués ; mais je n’en suis pas garant. Il suffit que j’aie les livres que je viens de citer pour preuve de ce que j’ai dit ; et même je ne me mets guère en peine de discuter si ces livres sont ou ne sont pas d’Aristote, s’ils sont ou ne sont pas corrompus. Je prends Aristote tel qu’il est et qu’on le reçoit ordinairement, car on ne doit pas se mettre fort en peine de savoir la généalogie véritable des choses dont on n’a pas grande estime ; outre que c’est un fait qu’il est impossible de bien éclaircir, comme on le peut voir par les Discussions péripatétiques de Patritius.


CHAPITRE VI.
Avis généraux qui sont nécessaires pour se conduire par ordre dans la recherche de la vérité et dans le choix des sciences.


Afin qu’on ne dise pas que je ne fais que détruire sans rien établir de certain et d’incontestable dans cet ouvrage, il est à propos que j’expose ici en peu de mots l’ordre que l’on doit garder dans ses études pour ne se point tromper, et que je marque même quelques vérités et quelques sciences très-nécessaires dans lesquelles il se rencontre une évidence telle qu’on ne peut s’empêcher d’y consentir sans souffrir les reproches secrets de sa raison. Je n’expliquerai pas ces vérités et ces sciences fort au long, c’est une chose déjà faite ; je ne prétends pas faire imprimer de nouveau les ouvrages des autres, je me contenterai d’y renvoyer. Je montrerai seulement l’ordre qu’on doit tenir dans l’étude qu’on en voudra faire pour conserver toujours l’évidence dans ses perceptions.

De toutes nos connaissances, la première c’est l’existence de notre âme ; toutes nos pensées en sont des démonstrations incontestables, car il n’y a rien de plus évident que ce qui pense actuellement est actuellement quelque chose. Mais s’il est facile de connaître l’existence de son âme, il n’est pas si facile d’en connaître l’essence et la nature. Si l’on veut savoir ce qu’elle est, il faut surtout bien prendre garde à ne la pas confondre avec les choses auxquelles elle