Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/568

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La seconde est que ces idées sont les plus distinctes et les plus exactes de toutes, principalement celles des nombres. De sorte que l’habitude qu’on prend dans l’arithmétique et dans la géométrie de ne se point contenter qu’on ne connaisse précisément les rapports des choses, donne à l’esprit une certaine exactitude que n’ont point ceux qui se contentent des vraisemblances dont les autres sciences sont remplies.

La troisième et la principale est que ces idées sont les règles immuables et les mesures communes de toutes les autres choses que nous connaissons et que nous pouvons connaître. Ceux qui connaissent parfaitement les rapports des nombres et des figures, ou plutôt l’art de faire les comparaisons nécessaires pour en connaître les rapports, ont une espèce de science universelle et un moyen très-assuré pour découvrir avec évidence et certitude tout ce qui ne passe point les bornes ordinaires de l’esprit. Mais ceux qui n’ont point cet art ne peuvent découvrir avec certitude les vérités un peu composées, quoiqu’ils aient des idées très-claires des choses dont ils tâchent de connaître les rapports composés.

Ce sont ces raisons ou de semblables qui ont porté quelques anciens à faire étudier l’arithmétique, l’algèbre et la géométrie aux jeunes gens. Apparemment ils savaient que l’arilhmétique et l’algèbre donnent de l’étendue à l’esprit et une certaine pénétration qu’on ne peut acquérir par d’autres études, et que la géométrie règle si bien l’imagination, qu’elle ne se brouille pas facilement ; car cette faculté de l’âme, si nécessaire pour les sciences, acquiert par l’usage de la géométrie une certaine étendue de justesse qui pousse et qui conserve la vue claire de l’esprit jusque dans les difficultés les plus embarrassées.

Si l’on veut donc conserver toujours l’évidence dans ses perceptions, et découvrir la vérité toute pure sans mélange de quelque obscurité ou de quelque erreur, on doit d’abord étudier l’arithmétique, l’algebre et la géométrie, après avoir acquis au moins quelque connaissance de soi-même et de l’Être souverain. Et si l’on veut avoir quelque livre qui facilité ces sciences, je crois que, comme l’on a du se servir des Méditations de M. Descartes pour la connaissance de Dieu et de soi-même, on peut, pour apprendre l’arithmétique et l’algèbre, se servir des Éléments des Mathématíques du P. Prestet, prêtre de l’oratoire ; et pour la géométrie ordinaire. des Nouveaux Éléments de Géométrie, imprimés en 1683, ou des Éléments du P. Tarquet, jésuite, imprimés à Anvers en 1665. A l’égard des sections coniques, des lieux géométriques et de leur usage pour la résolution des problêmes, il faut se servir des traités que