Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/570

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sur les propriétés des choses s’accordent avec les sentiments que nous en avons, c’est-à-dire que ce que nous pensons s’accorde parfaitement avec l’expérience, parce que nous tâchons dans la physique de découvrir l’ordre et la liaison des effets avec leurs causes, ou dans les corps, s’il y en a, ou dans les sentiments que nous en avons, s’ils n’existent point.

Ce n’est pas que l’on puisse douter qu’il y ait actuellement des corps, lorsque l’on considère que Dieu n’est point trompeur, et l’ordre réglé de nos sentiments, dans les rencontres naturelles et dans celles qui n’arrivent que pour nous faire croire ce que nous ne pouvons naturellement comprendre ; mais c’est qu’il n’est pas nécessaire d’examiner d’abord par de grandes réflexions une chose dont personne ne doute, et qui ne sert pas de beaucoup à la connaissance de la physique considérée comme une véritable science.

Il ne faut point aussi se mettre en peine de savoir s’il y a ou s’il n’y a pas dans les corps qui nous environnent quelques autres qualités que celles dont on a des idées claires, car nous ne devons raisonner que selon nos idées ; et s’il y a quelque autre chose dont nous n’ayons point d’idée claire, distincte et particulière, jamais nous n’en connaîtrons rien et jamais nous n’en raisonnerons juste. Peut-être qu’en raisonnant selon nos idées, nous raisonnerons selon la nature, et que nous reconnaîtrons qu’elle n’est peut-être pas aussi cachée qu’on se l’imagine ordinairement.

De même que ceux qui n’ont point étudié les propriétés des nombres, s’imaginent souvent qu’il n’est pas possible de résoudre certains problèmes quoique très-simples et très-faciles ; ainsi ceux qui n’ont point médité sur les propriétés de l’étendue, des figures et des mouvements, sont extrêmement portés à croire et à soutenir que toutes les questions que l’on forme dans la physique sont inexplicables. Il ne faut point s’arrêter aux sentiments de ceux qui n’ont rien examiné, ou qui n”ontrien examiné avec l’application nécessaire. Car encore qu’il y’ait peu de vérités touchant les choses de la nature qui soient pleinement démontrées, il est certain qu’il y en a quelques-unes de générales dont il n’est pas possible de douter, quoiqu’il soit fort possible de n’y pas penser, de les ignorer et de les nier.

Si l’on veut méditer avec ordre et avec tout le temps et toute l’application nécessaire, on découvrira beaucoup de ces vérités certaines dont je parle. Mais, afin qu’en puisse les découvrir avec plus de facilité, il est nécessaire de lire avec soin les principes de Ja philosophie de M. Descartes, sans rien recevoir de ce qu’il dit