Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/590

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L’aimant c ne s’approche qu’à la présence de l’aimant C ; donc il est nécessaire que l’aimant C détermine l’air à pousser l’aimant c, et c’est là le second moyen. Il est évident que ces deux moyens sont absolument nécessaires. De sorte que la difficulté est présentement réduite à joindre ensemble ces deux moyens, ce que l’on peut faire en deux manières ; ou en commençant par quelque chose de connu dans l’air qui environne l’aimant c, ou en commençant par quelque chose de connu dans l’aimant C.

Si l’on connait que les parties de l’air et de tous les corps fluides sont en continuelle agitation, l’on ne pourra douter qu’elles ne heurtent sans cesse contre l’aimant c qu’elles environnent ; et, parce qu’elles le heurtent également de tous côtés, elles ne le poussent pas plus d’un côté que de l’autre, tant qu’il y a autant d’air d’un côté que de l’autre. Les choses étant ainsi, il est facile de juger que l’aimant C empêche qu’il n’y ait autant de cet air dont nous parlons vers a que vers b. Mais cela ne se peut faire qu’en répandant quelques autres corps dans l’espace qui est entre C et c : il doit donc sortir des petits corps des aimants pour occuper cet espace. Et c’est aussi ce que l’expérience fait voir, lorsqu’on répand de la limaille de fer[1] autour d’un aimant ; car cette limaille rend visible le cours de ces petits corps invisibles. Ainsi ces petits corps, chassant l’air qui est vers a, l’aimant c en est moins poussé par ce côté que par l’autre ; et par conséquent il doit s'approcher de l’aimant C, puisque tout corps doit se mouvoir du côté d’où il est moins poussé.

Mais si l’aimant c n’avait, vers le pôle a, plusieurs pores propres à recevoir les petits corps qui sortent du pole B de l’autre aimant, et trop petits pour recevoir ceux de l’air, tant grossier que subtil, il est évident que ces petits corps, étant plus agités que cet air. puisqu’ils le doivent chasser d’entre les aimants, ils pousseraient l’aimant c et l’éloigneraient de C. Ainsi, puisque l’aimant c s’approche ou s’éloigne de C, lorsqu’on lui présente différents pôles, il est nécessaire de conclure que les petits corps, qui sortent de l’aimant C, passent librement et sans repousser l’aimant c par le côté n, et le repoussent par le côté b. Ce que je dis d’un de ces aimants se doit aussi entendre de l’autre.

Il est visible que l’on apprend toujours quelque chose par cette manière de raisonner sur des idées claires et des principes incontestables. Car l’on a découvert que l’uir qui environne l’aimant c était chassé d’entre les aimants par des corps qui sortent sans cesse le leurs pôles, et qui trouvent leur passage libre par un côté et fermé par l’autre. Et, si l’on voulait découvrir quelle està peu près la gran-

  1. Voyez les Principes de la Philosophie de Descartes, quatrième partie.