Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/592

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et parce que je découvre d’abord que les mouvements volontaires se font d’ordinaire plus promptement que les convulsifs, j’en conclus que leur cause en peut être différente. Ainsi je puis et je dois par conséquent examiner la question par parties ; car elle paraît être de longue discussion.

Je me restreins à ne considérer d’abord que le mouvement volontaire ; et parce que nous avons plusieurs parties qui servent à ces mouvements, je ne m’attache qu’au bras. Je considère donc que le bras est composé de plusieurs muscles qui ont presque tous quelque action lorsqu’on lève de terre ou qu’on remue diversement quelque corps ; mais je ne m’arrête qu’à un seul, voulant bien supposer que les autres sont à peu près formés d’une même manière. Je n’instruis de sa composition par quelque livre d’anatomie ou plutôt par la vue sensible de ses fibres et de ses tendons que je me fais disséquer par quelque habile anatomiste à qui je fais toutes les demandes qui pourront dans la suite me faire naître dans l’esprit quelque moyen de trouver ce que je cherche.

Considérant donc toutes choses avec attention, je ne puis douter que le principe du mouvement de mon bras ne dépende de l’accourcissement des muscles qui le composent. Et si je veux bien, pour ne pas m’embarrasser de trop de choses, supposer, selon l’opinion commune, que cet accourcissement se fait par le moyen des esprits animaux qui remplissent le ventre de ces muscles et qui en approchent ainsi les extrémités, toute la question qui regarde le mouvement volontaire sera réduite à savoir comment le peu d’esprits animaux qui sont contenus dans un bras peuvent en enfler subitement les muscles selon les ordres de la volonté avec une force suffisante pour lever un fardeau de cent pesant et davantage.

Quand on médite ceci avec quelque application, le premier moyen qui se présente à l’imagination est d’ordinaire celui de quelque effervescence prompte et violente semblable à celle de la poudre à canon ou de certaines liqueurs remplies de sels alcalis, lorsqu’on les mêle avec celles qui sont roides ou pleines de sel acide. Quelque peu de poudre à canon est capable, lorsqu’elle s’allume. d’enlever non-seulement un fardeau de cent livres, mais une tour et même une montagne. Les tremblements de terre qui renversent des villes et qui secouent des provinces entières se font aussi par des esprits qui s’allument sous terre à peu près comme la poudre à canon. Ainsi, en supposant dans le bras une cause de la fermentation et de la dilatation des esprits, on pourra dire qu’elle est le principe de cette force qu’ont les hommes pour faire des mouvements si prompts et si violents.