Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/604

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comme plusieurs autres, que c’est la forme des corps qui conserve l’union entre leurs parties, ou l’amitié et l’inclination qu’elles ont pour leurs semblables, car il n’y a rien de plus commode que de se laisser quelquefois séduire et devenir ainsi tout d’un coup savant à peu de frais.

Mais puisque je ne veux rien croire que je ne sache, il ne faut pas que je me laisse ainsi abattre par ma propre paresse ni que je me rende à de simples lueurs. Quittons donc ces formes et ces inclinations dont nous n’avons point d’idées distinctes et particulières. mais seulement de confuses et générales que nous ne formons ce me semble que par rapport à notre nature, et de l’existence même desquelles plusieurs personnes et peut-être des nations entières ne conviennent pas.

Il me semble que je vois la cause de cette étroite union des parties qui composent les corps durs sans y admettre autre chose que tout ce que tout le monde convient y être, ou tout au moins tout ce que le monde conçoit distinctement pouvoir y être. Car tout le monde connait distinctement que tous les corps sont composés ou peuvent être composés de petites parties. Ainsi il se pourra faire qu’il y en aura qui seront crochus et branchus, et comme de petits liens capables d’arrêter fortement les autres, ou bien qu’elles s’entrelaceront toutes dans leurs branches, de sorte qu’on ne pourra pas facilement les désunir.

J’ai une grande pente à me laisser aller à cette pensée, et d’autant plus grande que je vois que les parties visibles des corps grossiers s’arrêtent et s’unissent les unes avec les autres de cette manière. Mais je ne saurais trop me défier des préoccupations et des impressions de mes sens. Il faut donc que j’examine encore la chose de plus près, et que je cherche même la raison pourquoi les plus petites et les dernières parties solides des corps, en un mot les parties mêmes de chacun de ces liens se tiennent ensemble, car elles ne peuvent être unies par d’autres liens encore plus petits puisque je les suppose solides. Ou bien si je dis qu’elles sont unies de cette sorte, on me demandera avec raison qui unira ensemble ces autres et ainsi à l’infini.

De sorte que présentement le nœud de la question est de savoir comment les parties de ces petits liens ou de ces parties branchues peuvent être aussi étroitement unies ensemble qu’elles le sont, A par exemple avec B, que je suppose parties d’un petit lien. Ou bien ce