Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/623

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prouvée dans l’endroit de ses Principes, où il parle de la dureté ; elle n’était pas aussi rejetée : il devait donc suspendre son jugement et se bien ressouvenir que ce qu’il écrivait de la cause de la dureté des règles du mouvement, devait être revu tout de nouveau, ce que je crois qu’il n’a pas fait avec assez de soin. Ou bien il n’a pas assez considéré la véritable raison d’une chose qu’il est très-facile de reconnaître, et qui cependant est de la dernière conséquence dans la physique ; je l’explique.

M. Descartes savait bien que pour soutenir son système de la vérité duquel il ne pouvait peut-être pas douter, il était absolument nécessaire que les grands corps communiquassent toujours de leur mouvement aux petits qu’ils rencontreraient et que les petits rejaillissent à la rencontre des plus grands, sans une perte pareille du leur. Car sans cela le premier élément n’aurait pas tout le mouvement qu’il est nécessaire qu’il ait par-dessus le second, ni le second par-dessus le troisième ; et tout son système serait absolument faux, comme le savent assez ceux qui l’ont un peu médité. Mais en supposant que le repos ait force pour résister au mouvœ ment et qu’un grand corps en repos ne puisse être remué par un autre plus petit que lui, quoiqu’il le heurte avec une agitation lurieuse ; il est visible que les grands corps doivent avoir beaucoup moins de mouvement qu’un pareil volume de plus petits, puisqu’ils peuvent toujours, selon cette supposition, communiquer celui qu’ils ont, et qu’ils n’en peuvent pas toujours recevoir des plus petits. Ainsi, cette supposition n’étant point contraire à tout ce que M. Descartes avait dit dans ses principes depuis le commencement jusqu’à l’établissement de ses règles du mouvement, et s’accommodant fort bien avec la suite de ces mêmes principes, il croyait que les règles du mouvement qu’il pensait avoir démontrées dans leur cause étaient encore suffisamment confirmées par leurs effets.

Je tombe d’accord avec M. Descartes du fond de la chose que les grands corps communiquent beaucoup plus facilement leur mouvement que les petits, et qu’ainsi son premier élément est plus agité que le second, et le second que le troisième. Mais la cause en est claire sans avoir égard à sa supposition. Les petits corps et les corps fluides, l’eau, l’air, etc., ne peuvent communiquer à de grands corps que leur mouvement uniforme et commun à toutes leurs parties ; l’eau d’une rivière ne peut communiquer à un bateau que le mouvement de la descente qui est commun à toutes les petites parties dont l’eau est composée, et chacune de ces petites parties, outre ce mouvement commun, en a encore une infinité d’autres particuliers Ainsi, il est visible par cette raison qu’un bateau, par exemple, ne