Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/624

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peut jamais avoir autant de mouvement qu’un égal volume d’eau, puisque le bateau ne peut recevoir de l’eau que le mouvement direct et commun à toutes les parties qui la composent. Si vingt parties d’un corps fluide poussent quelque corps d’un côté, il y en a autant qui le poussent de l’autre ; il demeure donc immobile et toutes les petites parties du corps fluide dans lequel il nage rejaillissent sans rien perdre de leur mouvement. Ainsi, les corps grossiers et dont les parties sont unies les unes avec les autres ne peuvent recevoir que le mouvement circulaire et uniforme du tourbillon de la matière subtile qui les environne.

Il me semble que cette raison suffit pour faire comprendre que les corps grossiers ne sont point si agiles que les petits et qu'il n’est point nécessaire pour expliquer ces choses de supposer que le repos ait quelque force pour résister au mouvement. La certitude des principes de la philosophie de M. Descartes ne peut donc servir de preuve pour défendre ses règles du mouvement ; et il y a lieu de croire que si M. Descartes lui-même avait examiné de nouveau ses Principes sans préoccupation et en pesant des raisons semblables à celles que j’ai dites, il n’aurait pas cru que les effets de la nature eussent confirmé ses règles et ne serait pas tombé dans la contradiction en attribuant la dureté des corps durs seulement au repos de leurs parties, et leur ressort à l'effort ne la matière subtile.


CONCLUSION DES TROIS DERNIERS LIVRES.


J’ai, ce me semble, assez fait voir, dans le quatrième et cinquième livre, que les inclinations naturelles et les passions des hommes les tout souvent tomber dans l’erreur, parce quelles ne les portent pas tant à examiner les choses avec soin, qu’à en juger avec précipitation.

Dans le quatrième livre, j’ai montré que l'inclination pour le bien en général est cause de l’inquiétude de la volonté, que l’inquiétude de la volonté met l’esprit dans une agitation continuelle, et qu’un esprit incessamment agité est entièrement incapable de découvrir les vérités un peu cachées ; que l’amour des choses nouvelles et extraordinaires nous préoccupe souvent en leur faveur, et que tout ce qui porte le caractère de l’infini est capable d’éblouir notre imagination et de nous séduire. J’ai expliqué comment l'inclination que nous avons pour la grandeur, l'élévation et l’independance nous engage insensiblement dans la fausse érudition, ou dans l’étude de toutes ces sciences vaines et inutiles qui flat-