Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/627

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timents, avertit expressément : Qu’on n’ajoute point du tout foi à ce qu’il a écrit, et qu’on n’en reçoive que ce que la force et l’évidence de la raison poussa contraindre d’en croire[1]. Il ne veut pas, comme quelques philosophes. qu’on le croie sur sa parole ; il se souvient toujours qu’il est homme, et que ne répondant la lumière que par réflexion, il doit tourner les esprits de ceux qui veulent être éclairés comme lui vers la raison souveraine, qui seule peut les rendre plus parfaits par le don de l’intelligence.

La principale utilité que l’on peut tirer de l’application à l’étude est de se rendre l’esprit plus juste, plus éclairé, plus pénétrant et plus propre à découvrir toutes les vérités que l’on souhaite de savoir. Mais ceux qui lisent les philosophes pour en retenir les opinions et pour les débiter aux autres, ne s’approchent point de Celui qui est la vie et la nourriture de l’âme ; leur esprit s’affaiblit et s’aveugle par le commerce qu’ils ont avec ceux qui ne peuvent ni les éclairer ni les fortifier ; ils se remplissent d’une fausse érudition dont le poids les accable et dont l’éclat les éblouit ; et s’imaginant devenir fort savants lorsqu’il se remplissent la tête des opinions des anciens philosophes, ils ne font pas réflexion q’ils se rendent disciples de ceux que saint Paul dit être devenus fous en s’attribuant le nom de sages : Dicentes se esse sapientes, stulti facti sunt.

La méthode que j’ai donnée peut, ce me semble, beaucoup servir à ceux qui veulent faire usage de leur raison, ou recevoir de Dieu les réponses qu’il donne à tous ceux qui savent bien l’interroger ; car je crois avoir dit les principales choses qui peuvent fortifier et conduire l’attention de l’esprit, laquelle est la prière naturelle que l’on fait au véritable maître de tous les hommes pour en recevoir quelque instruction.

Mais comme cette voie naturelle de rechercher la vérité est fort pénible, et qu’elle n’est ordinairement utile que pour résoudre des questions de peu d’usage, et dont la connaissance sert plus souvent à flatter notre orgueil qu’à perfectionner notre esprit, je crois, pour finir utilement cet ouvrage, devoir dire que le méthode la plus courte et la plus assurée pour découvrir la vérité, et pour s’unir à Dieu de la manière la plus pure et la plus parfaite qui se puisse, c’est de vivre en véritable chrétien ; c’est de suivre exactement les préceptes de la vérité éternelle, qui ne s’est unie avec nous que pour nous réunir avec elle ; c’est d’écouter plutôt notre foi que notre raison, et tendre à Dieu, non tant par nos forces naturelles, qui depuis le péché sont toutes languissantes, que

  1. A la fin de ses Principes.