Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/80

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chaleur, par exemple, l’impulsion et le mouvement des petites parties du bois contre les fibres de la main.

La seconde est la passion de l’organe du sens, c’est-à-dire l’agitation des fibres de la main causée par celle des petites parties du feu, laquelle agitation se communique jusque dans le cerveau, parce qu’autrement l’âme ne sentirait rien.

La troisième est la passion, la sensation ou la perception de l’âme, c’est-à-dire ce que chacun sent quand il est auprès du feu.

La quatrième est le jugement que l’âme fait, que ce qu’elle sent est dans sa main et dans le feu. Or, ce jugement est naturel, ou plutôt ce n’est qu’une sensation composée ; mais cette sensation ou ce jugement naturel est presque toujours suivi d’un autre jugement libre, que l’âme a pris une si grande habitude de faire, qu’elle ne peut presque plus s’en empêcher.

Voilà quatre choses bien différentes, comme l’on peut voir, lesquelles on n’a pas soin de distinguer et que l’on est porté à confondre à cause de l’union étroite de l’âme et du corps, laquelle nous empéche de bien démêler les propriétés de la matière d’avec celles de l’esprit.

Il est cependant facile de reconnaître, que de ces quatre choses qui se passent en nous, quand nous sentons quelque objet, les deux premières appartiennent au corps, et que les deux autres ne peuvent appartenir qu’à l’âme, pourvu qu’on ait un peu inédite sur la nature de l’âme et du corps, comme on l’a dû faire, ainsi que je l’ai supposé ; mais il faut expliquer ces choses en particulier.


CHAPITRE XI.
I. De l’erreur où l’on tombe touchant l’action des objets contre les fibres extérieures de nos sens. — II. Cause de cette erreur. — III. Objection et réponse.


On traitera dans ce chapitre et dans les trois suivants, de ces quatre choses que nous venons de dire que l’on confondait et que l’on prenait pour une simple sensation ; et on expliquera seulement, en général, les erreurs dans lesquelles nous tombons : parce que si on voulait entrer dans le détail, ce ne serait jamais fait. On espère toutefois mettre l’esprit des lecteurs en état de découvrir avec une très-grande facilité toutes les erreurs où les sens nous peuvent porter ; mais on leur demande pour cela qu’ils méditent avec quelque application, tant sur les chapitres qui suivent que sur celui qu’ils viennent de lire.

I. La première de ces choses que nous confondons dans chacune