Page:Malherbe - Œuvres poétiques de Malherbe, éd. Blanchemain, 1897.djvu/115

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C’est bien, je le confesse, une juste coustume,
                Que le cœur affligé,
Par le canal des yeux vuidant son amertume,
                Cherche d’estre allegé.

Mesme quand il advient que la tombe separe
                Ce que nature a joint,
Celuy qui ne s’émeut a l’ame d’un barbare,
                Ou n’en a du tout point.

Mais d’estre inconsolable et dedans sa mémoire
                Enfermer un ennuy,
N’est ce pas se hayr pour acquerir la gloire
                De bien aimer autruy ?

Priam, qui vit ses fils abattus par Achille,
                Dénüé de support
Et hors de tout espoir du salut de sa ville,
                Receut du reconfort.

François, quand la Castille, inégale à ses armes,
                Luy vola son Dauphin,
Sembla d’un si grand coup devoir jeter des larmes
                Qui n’eussent point de fin.

Il les secha pourtant, et, comme un autre Alcide,
                Contre fortune instruit,
Fit qu’à ses ennemis d’un acte si perfide
                La honte fut le fruit.