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STANCES.


Adjoûtez à tous ces miracles
Sa bouche, de qui les oracles
Ont tousjours de nouveaux thresors ;
Prenez garde à ses moeurs, considerez-la toute :
Ne m’avoürez-vous pas que vous estes en doute
Ce qu’elle a plus parfait, ou l’esprit, ou le corps ?

Mon Roy, par son rare merite,
A fait que la terre est petite
Pour un nom si grand que le sien ;
Mais, si mes longs travaux faisoient cette conqueste,
Quelques fameux lauriers qui luy couvrent la teste,
Il n’en auroit pas un qui fust égal au mien.

Aussi, quoy que l’on me propose
Que l’esperance m’en est close
Et qu’on n’en peut rien obtenir,
Puis qu’à si beau dessein mon desir me convie,
Son extréme rigueur me coustera la vie,
Ou mon extréme foy m’y fera parvenir.

Si les tygres les plus sauvages
Enfin apprivoisent leurs rages,
Flattez par un doux traitement,
Par la mesme raison, pourquoy n’est-il croyable
Qu’à la fin mes ennuis la rendront pitoyable,
Pourveu que je la serve à son contentement ?