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STANCES.


Vous lisez bien en mon visage
Ce que je souffre en ce voyage,
Dont le Ciel m’a voulu punir ;
Et sçavez bien aussi que je ne vous demande,
Estant loin de Madame, une grace plus grande
Que d’aimer sa memoire et m’en entretenir.

Dites-moy donc sans artifice,
Quand je luy voüay mon service,
Failly-je en mon élection ?
N’est-ce pas un objet digne d’avoir un temple,
Et dont les qualitez n’ont jamais eu d’exemple,
Comme il n’en fut jamais de mon affection ?

Au retour des saisons nouvelles,
Choisissez les fleurs les plus belles
De qui la campagne se peinct ;
En trouverez-vous une où le soin de nature
Ait avecques tant d’art employé sa peinture
Qu’elle soit comparable aux roses de son teinct ?

Peut-on assez vanter l’yvoire
De son front où sont en leur gloire
La douceur et la majesté,
Ses yeux moins à des yeux qu’à des soleils semblables,
Et de ses beaux cheveux les noeus inviolables,
D’où n’échappe jamais rien qu’elle ait arresté ?