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LES LARMES DE SAINCT PIERRE.

Et qui n’ont rien de clos à leur juste courroux,
Entrent victorieux en son ame étonnée
Comme dans une place au pillage donnée,
Et luy font recevoir plus de morts que de coups.
 
La mer a dans son sein moins de vagues courantes
Qu’il n’a dans le cerveau de formes différentes,
Et n’a rien toutesfois qui le mette en repos,
Car aux flots de la peur sa navire, qui tremble,
Ne trouve point de port, et tousjours il luy semble
Que des yeux de son maistre il entend ce propos :

« Et bien ! où maintenant est ce brave langage ?
Cette roche de foy, cet acier de courage ?
Qu’est le feu de ton zèle au besoin devenu ?
Où sont tant de serments qui juroient une fable ?
Comme tu fus menteur, suis-je pas véritable ?
Et que t’ay-je promis qui ne soit avenu ?

« Toutes les cruautez de ces mains qui m’attachent,
Le mépris effronté que ces bourreaux me crachent,
Les preuves que je fais de leur impieté,
Pleines également de fureur et d’ordure,
Ne me sont une pointe aux entrailles si dure
Comme le souvenir de ta déloyauté.

« Je sçay bien qu’au danger les autres de ma suite
Ont eu peur de la mort et se sont mis en fuite ;