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Page:Malherbe - Œuvres poétiques de Malherbe, éd. Blanchemain, 1897.djvu/220

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STANCES.

Que rien finist sa foy que le mesme trespas,
De vaillant fait couard, de fidelle lait traistre,
Aux portes de la peur abandonne son maistre,
Et jure impudemment qu’il ne le cognoit pas.

À peine la parolle avoit quitté sa bouche
Qu’un regret aussi prompt en son ame le touche ;
Et, mesurant sa faute à la peine d’autruy,
Voulant faire beaucoup, il ne peut davantage
Que souspirer tout bas, et se mettre au visage
Sur le feu de sa honte une cendre d’ennuy.

Les arcs qui de plus prés sa poitrine joignirent,
Les traits qui plus avant dans le sein l’atteignirent,
Ce fut quand du Sauveur il se vit regardé ;
Les yeux furent les arcs, les oeillades les flèches
Qui percèrent son ame, et remplirent de brèches
Le rempart qu’il avoit si laschement gardé.

Cet assaut, comparable à l’éclat d’une foudre,
Pousse et jette d’un coup ses défenses en poudre.
Ne laissant rien chez luy que le mesme penser
D’un homme qui, tout nu de glaive et de courage,
Voit de ses ennemis la menace et la rage,
Qui, le fer en la main, le viennent offenser.

Ces beaux yeux souverains, qui traversent la terre
Mieux que les yeux mortels ne traversent le verre,